SUR MOI

Le mot saura-t-il s’approcher de l’image…

De cette image gorgée de l’expression de la vie, de l’être

Son regard imprégné de l’intime du monde fragmenté en sa ronde éternelle.

Dorota Walczak vénère le livre, autant qu’elle voue un respect profond à l’humain. Elle s’emplit de toute sa poésie aussi, chargée de transmettre la plénitude des lettres à ses étudiants en slavistique.

Du fond d’une poche, du recoin d’un grand sac ou plus souvent de deux sacs jetés sur l’épaule, un petit carnet recueille le temps surpris d’un fait mineur, d’une action au bord du silence et de l’attente.  Se trace de crayon gris ou de couleurs vives la mémoire offerte d’une simple beauté.  Que deviendra-t-elle par le mouvement incisif de la matière déposée sur le papier ?

La réjouissance créatrice ordonne.  Une liberté festive grandit.  Le merveilleux s’énonce.

Une certaine proximité effleurée au gré de promenades saisonnières ou de rêves de l’enfance. Le plaisir du déguisement, des bottines hautes ou des bottes magiques, des chapeaux osés, des cafetières volantes, de la cueillette gourmande, du vent de la mer et de la danse.  Autant de brèves histoires posées un jour par la main et les pensées de Dorota en ses tableaux graphiques.

L’envie de le dire par un passage du poète polonais Ewa Lipska, Gâteau aux prunes, J’ôte de ton visage une miette croustillante de gâteau aux prunes.

Minuscule caractère de tendresse.

Ou encore, celui-ci d’Ewa LIPSKA, Ailleurs,

Je voudrais vivre Ailleurs.

Dans de petites villes brodées à la main.

Elle apparaît tant semblable à ce qu’elle peint. Son clair visage bordé de cheveux sombres révèle vite une délicate sensibilité que sa voix laisse porter en de nombreuses langues aimées.  Dorota exprime en permanence par la féminité de son âme, le bonheur du voyage, de la rencontre.  Elle marche parfois comme cela, par l’atmosphère des rues qui l’invite, par l’odeur des marées qu’elle rejoint, par le souffle paisible des campagnes ou des ombres des forêts visitées. Et  elle goûte, et elle savoure.  Elle respire la joie d’être parmi les choses, ces moindres choses bientôt dessinées. Tout ce qu’elle confie en partage à sa fille Flora déjà tant imprégnée et pure inspiratrice de sa conception poétique de la vie.  Toutes les deux se retrouvent dans l’espace de l’atelier, absorbées par l’art de laisser librement s’associer formes et traits expressifs.  Elles chantent, et s’improvise aussi tout l’imaginaire des gestes et paroles proche d’un lieu théâtral. 

Ce ne sont là évoquées que quelques perceptions choisies et ténues de son univers.  Comme une petite boîte de bois qui se ferme lentement, sans néanmoins devoir doucement forcer le couvercle sombre, sur la multitude de friandises aux teintes acidulées, et aux saveurs-souvenirs égrainées. S’y devine encore la fragilité peinte de la rose ancienne aimée.  Que le temps nous apporte toujours avec cette juste authenticité, l’intention émue de Dorota Walczak.  Qu’elle en soit déjà ainsi très profondément remerciée.

Anne Deliège,
l’historienne d’art 

Août 2013.